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Conseil d’État, Ord., 20 avril 2020, n° 439983 et 440008

Le 20 avril 2020, saisi par les Ordres des Avocats des Barreaux de Marseille et Paris aux fins d’enjoindre l’État de fournir en cette période de crise sanitaire des masques de protection, des gants et du gel hydroalcoolique aux avocats « dans toutes les circonstances du fonctionnement du service public de la justice où la présence d’un avocat est ou peut être requise auprès d’un justiciable pour l’exercice des droits de la défense », le Juge des référés du Conseil d’État a rejeté la demande…

 

Les demandeurs mettaient l’accent sur la carence de l’État, ceux-ci ne disposant pas des moyens de lutte appropriés à l’exercice de leur mission, notamment lors des entretiens de gardes à vue et de ceux précédant la tenue des audiences de comparutions immédiates, caractérisant alors une méconnaissance grave et manifeste des droits et libertés et, plus spécifiquement, du « droit à un procès équitable, (…) des droits de la défense, [du] principe du contradictoire, [du] droit au silence et [du] droit d’être assisté, garantis par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

 

Le Juge des référés du Conseil d’État a cru bon de devoir rejeter les requêtes ainsi introduites, en relevant qu’« il n’apparaît pas (…) que l’absence de distribution de masques de protection aux avocats (…) dans les circonstances où la présence d’un avocat est requise auprès d’un justiciable pour l’exercice des droits de la défense révèlerait une carence portant, de manière caractérisée, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées (…). »

 

Le Juge des référés a notamment repris l’argument choc du Gouvernement consistant à lever, tel un bouclier, la pénurie pour effacer, outre ses carences, le choix qu’il opère entre les personnes à protéger en priorité et, au premier rang desquelles figurent ses agents, et celles dont l’utilité sociale ne semble pas justifier un minimum de protection.

 

La véritable difficulté de la décision prise le 20 avril 2020 réside dans cette hiérarchisation opérée indirectement entre les personnes concourant à l’œuvre de Justice avec, d’un côté, les agents de l’État, vis-à-vis desquels ce dernier resterait de manière opportune débiteur d’une obligation, et ce en dépit du contexte exceptionnel maintes fois réaffirmé, et, d’un autre côté, les avocats, relégués à leur statut d’« auxiliaires de justice », que l’État doit, au mieux, « aider » à se protéger, mais qui, en fin de compte, sont livrés à eux-mêmes.  

 

Une telle hiérarchisation ne saurait être, car elle revient à nier le rôle fondamental de l’Avocat dans une société démocratique : bien plus qu’un simple participant au bon fonctionnement d’un service public, l’Avocat est tenu d’une mission essentielle garantissant l’existence de l’État de droit.

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